Le mot #57 : Divan

par François Cerruti-Torossian | le 21 avril 2017

Travailler sur les mots voyageurs…

L’aventure de la création de marques, dans une agence de Naming telle que Nomen, et la pratique des validations linguistiques et culturelles de noms via Intercheck, nous réservent toujours des surprises étonnantes, souvent inattendues, mélangeant quotidien et évasion. Alors, un petit plongeon dans une info savante et un peu marrante ? Partons aujourd’hui en voyage étymologique : de Goethe à Shakira en passant par Guillaume le Conquérant et le Pakistan… grâce au mot « divan » !

Le « divan », il est là, posé, au calme, au beau milieu de votre salon et vous n’y faites, pour ainsi dire, plus guère attention. Il est cependant de tous les instants, ponctuant vos soirées (et vos lendemains de soirées). Et c’est parfaitement que vous l’ignorez, auteurs de divanicide !

En effet, en couchant sur le papier un mot à l’exemple de « divan », bref et composé de 5 petites lettres à l’allure si inoffensive, « d – i – v – a – n » : ce n’est pas un insipide sofa, ni un banal canapé que vous écrivez, que vous lisez, que vous prononcez, que vous entendez, que vous évoquez. Le divan, c’est à la fois une histoire et des évocations, parsemées du Rhin jusqu’à l’Indus !

Poudroiements d’idées, tournoiements d’images !

Faisons-nous devins du « divan » et ce mot vous rappellera peut-être, de prime abord, vos dernières vacances passées à Dives-sur-Mer, charmant port normand duquel Guillaume le Conquérant partit à la conquête de l’Angleterre. Ou bien vous penserez encore à votre récente escapade bretonne à Dinan ? Sans parler de vos amis britanniques qui, à travers « diving », ne manqueront pas de se remembrer leurs stages de plongée à Eilat l’été dernier !

Sans compter les plus fous d’entre vous qui divagueront sur « divan » : non de non, « divan » n’a rien de latin, il ne vient ni de l’adjectif « dives » signifiant « riche », ni du verbe « divaricare » dont le sens n’est autre que « écarter les jambes », et son pourtant si savoureux verlan « andiv » ne nous oriente ni vers le jambon, ni vers la béchamel, ni même vers la baie chanmé de Charm El-Cheikh !

On redescend ! Sérieux, les plus géographes énumèreront froidement, du tac au tac, allez :

Vous brûliez de les dire, n’est-ce pas ?

Décalés, les plus téléphiles (et lupuphiles) des Européens citeront sans une once d’hésitation :

  • Ivan, candidat malheureux biélorusse de l’Eurovision 2016 (qui nomma d’ailleurs sa louve de compagnie Shakira)

 Pourquoi tant de haine ?

Diva, ce divan, non ? Eh oui, je regrette, amis adeptes des délires foisonnants et autres divanitudes, mais il ne s’agit de rien de tout cela ! Fichu fichtre-diantre de divan, d’où viens-tu ? Alors, ne faisons plus longtemps diversion et divulguons le divan plus avant …

 Lumières sur les origines…

Sur notre divan convergent origines, cultures et sens. De nos jours, en hébreu tout d’abord, le terme « diyoun » (דִּיּוּן) est usité pour signifier « discussion ». On pense bien évidemment à l’emploi hébraïque de ce mot pour parler, notamment, des discussions à la Knesset ou au Conseil de Sécurité des Nations Unies. En effet, notre terme actuel, très mobilier, n’en a pas moins une signification bien autre, plus profonde et plus ancienne.

Dèf : Du persan « divan » (ديوان), ce mot signifie bien initialement « administration », « ambassade », « registres administratifs ». En turc ottoman, il désignera « gouvernement ». Et par extension, il fut étendu à l’acception « recueils de poèmes », au sein de la littérature arabo-persane.

Dans un dialogue à travers les siècles, entre l’Orient et l’Occident, le Romantique et Classique Goethe, au soir de sa vie, porté par l’orientalisme de son temps, jeta, sur les bords du Rhin, les derniers feux de son grand œuvre, sous les vers fameux du « West-östlicher Divan » ou « Divan occidental-oriental », recueil de poèmes portant des titres allemands et persans.

Ultime œuvre, le « Divan » du grand poète allemand publié en 1819 fut en effet une réponse à un autre « Divan », publié au début du XIVème siècle, celui du grand poète persan, Hafez de Chiraz.

Plus récent, en 1923, non loin de l’Indus, le grand poète pakistanais « Doctor Sir » Iqbal écrivit lui aussi son « Ambassade orientale » ou « Message de l’Orient »… en réponse à notre bon vieux Johann Wolfgang von Goethe… Allez, je vous libère !

Siège par excellence, lieu littéraire et imaginaire d’échange et de discussion entre les civilisations, plus jamais vous ne regarderez, de la même façon qu’auparavant, votre divin divan. Qui aurait cru, c’est vrai, qu’un vain divan nous mènerait jusqu’aux confins et rives du Couchant et du Levant ? Comme le disait si bien l’Ecclésiaste : « Divanité des divanités, tout est divanité »…

דִּיּוּן

Divan

Диван

ديوان

Դիվան

Crédit photo : unsplash.com