Linguistique de la coucourde

par Camille Delaive | le 17 mars 2015

Courge_grande

La Coucourde n’est pas seulement une courge ou une commune française située dans le département de la Drôme en région Rhône-Alpes.

La « coucourde » c’est aussi l’outil principal du commissaire Montalbano : ses méninges. Il est le héros à l’humeur bougonne et à la fougue méditerranéenne des enquêtes de l’auteur Andrea Camilleri qui écrit dans la langue de sa Sicile natale.

A lui seul, ce mot illustre toute la difficulté de la traduction littéraire. Serge Quadruppani le traducteur de Camilleri rédige d’ailleurs un avertissement au début de sa traduction de La Première enquête de Montalbano, où il tente d’expliquer, à nous lecteur francophone, au combien « rendre la saveur du ‘camillerien’ est une entreprise délicate ». Le succès fou de Camilleri en Italie tient en effet surtout à cette langue si particulière. Et c’est bien réussir à faire partager à un lecteur français ce que ressent le lecteur italien non-sicilien à la lecture de Camilleri qui est délicat.

Mélange d’italien « officiel », de dialecte pur et d’un italien sicilianisé, la langue de Camilleri est une langue bien vivante, ancrée dans les mots de la Sicile actuelle. Une langue qui colore ses histoires, qui leur donne une épaisseur et une texture qui vous transporte jusque sur la jetée du port de Vigata, bourgade fictive dont Montalbano dirige le commissariat.

Coucourde, c’est donc le choix du traducteur d’utiliser une expression occitane signifiant courge pour réussir à communiquer l’étrangeté familière de l’expression sicilienne de l’auteur.

« Toute traduction comporte une part de création littéraire ». Mais pour autant, Quadruppani ne voulait pas « inventer une langue artificielle ». Il a fait le choix de se servir des termes du français du Midi, qui par leur parfum méditerranéen, lui ont semblé « la moins mauvaise solution ». C’est cette traduction artisanale, qui en s’éloignant du bon français et de la dictature du « grammaticalement correct », permet de rendre la lecture des romans de Camilleri si savoureuse… même à nous qui ne lisons ni le sicilien, ni l’italien.