Le mot #11 : Premium

par Jérôme Chiavassa-Szenberg | le 13 novembre 2013

UNEPremium

Dans le Robert (Dixel 2013), le mot premium a deux graphies autorisées : prémium ou premium. Il y est défini comme un terme boursier désignant une indemnité versée au vendeur par l’acheteur en cas d’annulation d’une transaction. Attardons-nous plutôt sur l’acception du terme dans les conditions de la création de nom de marque, acception qui n’est pas dans le Robert.

Venant de l’anglais, le mot premium revient souvent lorsque l’on recherche le nom positionné ou revendiquant une promesse haut de gamme. Le mot en est alors le synonyme. Ce sens renvoie à la fois à l’idée de produits ou de services offrant le plus de performances, l’ensemble des produits les plus chers d’une même catégorie de produits ou de services et enfin la qualité, au sens d’un degré élevé de finition. Il implique donc la désignation de ce qui est destiné à une cible mercatique dotée d’un pouvoir d’achat important. On a donc l’idée d’un quelque chose de supérieur à la moyenne, voire très supérieur, en terme de qualité de produit et de coût. En bref, cela signifierait qu’on ne fait pas mieux que le premium.

C’est précisément le sens de l’adjectif premium en anglais : dominant, suprême, supérieur, surplombant, privilégié. Le mot peut aussi être un nom commun qui renvoie alors à un prix (une récompense), à une cotisation ou à un agio. La récompense renvoie facilement à l’idée d’une place dominante. Quant à la cotisation et l’agio, le lien est moins clair. Pensons alors que la cotisation s’acquitte de façon à entrer dans un groupe pour jouir de l’usage collectif auquel la cotisation donne droit au sein de ce groupe. La cotisation fait donc entrer dans une sphère où l’on a, si l’on ose dire, le privilège d’user de quelque chose. Quant à l’agio, son étymologie le lie peut-être à l’italien aggio « bénéfice », de l’italien agio « commodité, voisinage » . Il est intéressant de voir que, de plus, le mot agio serait lié à la famille des mots grecs (grec ancien) liés au changement comme allagê, ês « échange, commerce, vente et achat ; changement » ou allassô ou allattô « mettre dans une autre situation, faire changer de nature, de possesseur, d’habitant » (dictionnaire grec-français Magnien-Delcroix). Cela veut dire que le mot premium pourrait aussi inclure implicitement un changement de statut : parce que je suis le premier ou parce que je paye quelque chose,  j’obtiens une place privilégiée que je n’avais pas et, donc, la possibilité de côtoyer ceux qui s’y trouvent. De plus, ce même nom agio serait lié au mot aise, ce que confirme le Robert (Dixel 2013). Là aussi, on retrouve donc assez facilement l’idée d’un gain (le bénéfice) et l’idée d’une place particulière privilégiée (aise, voisinage).

Est donc premium ce qui apporte un bénéfice nous mettant dans une position privilégiée, aisée, agréable, en compagnie d’autres personnes pouvant jouir de cette même position.

Examinons maintenant l’étymologie du mot premium. Le mot vient du latin praemium. Il serait formé du suffixe prae- et du verbe emo « acheter ». Il désignait un gain, un butin, un profit. Il désignait déjà aussi les deux dimensions que l’anglais a conservées : d’une part l’avantage, le bénéfice, la prérogative ; d’autre part la prime, la récompense.

En résumé et pour revenir aux noms de marque : avant l’achat, le premium est donc une promesse (émettre, adresser, envoyer avant) d’être mis en avant par la jouissance du haut-de-gamme. Après l’achat il est la promesse du maintien dans cette place privilégiée dans le voisinage de ceux qui jouissent aussi avec soi.

On s’interroge alors sur le besoin récurrent de qualifier le premium en publicité (où l’on entend parfois parler de “super premium” ou de “top premium”). Galvaudé et appauvri par cette surenchère hyperbolique, le premium n’est, et ne restera qu’un wannabe luxe… ne parvenant pas à se hisser jusque-là !