Tendances naming en cosmétique

par Félix Oliot | le 10 novembre 2015

Le mois dernier, on décortiquait sur Le Cent Deux les noms de marques de parfums du moment. On vous propose aujourd’hui un point sur les tendances actuelles retrouvées dans les noms des produits cosmétiques.

Les mêmes grandes tendances que celles de la parfumerie sont à l’œuvre dans l’univers de la cosmétique. On y retrouve, en effet, la reprise classique du nom de la marque dans le nom du produit comme le « Rouge d’Armani » ou le « Diorskin Nude » de Dior. La persistance des mots-valises  y est encore plus fréquente que dans les noms de parfums (« Luminescence » de Lierac, « Sublimage » de Chanel, « Généfique » de Lancôme). Le champ sémantique de la transcendance ou de l’onirisme s’y retrouve également en bonne place puisque de nombreux best sellers de cette industrie portent des noms placés dans un horizon de transcendance comme « Nirvanesque » et « Merveillance » de Nuxe ou « Orgasm » de Nars et « Teint Idole » de Lancôme.

A la différence des parfums cependant, beaucoup de noms fonctionnent comme des descriptifs de l’effet promis par le produit, ressort pratique auquel se refuse le parfum qui conserve une vocation éthérée. Ainsi parmi les produits de beauté les plus vendus retrouve-t-on la « Eight hour cream » d’Elizabeth Arden, le « Mascara Volume Effet Faux Cils »  et la « Touche Eclat » d’Yves Saint-Laurent.

Cependant, une ligne de fracture spécifique à la cosmétique se révèle dans l’opposition entre la « techno » et le « bio ». Les noms de produits reprenant une terminologie scientifique en « logy », « ist », « fique » ou encore « ic », « ctin » ou « x » sont devenus une norme qui signale une expertise médicale ou donne une caution scientifique. La marque Algenist incarne ce mouvement de technicisation des cosmétiques qui s’éloignent de leur nature première d’ornement (« kosmeo » en grec signifie « je pare ») pour revendiquer une action en profondeur. Cette tendance d’alignement de la cosmétique sur l’univers médical ne concerne pas seulement le naming puisque L’Oréal a imaginé un contenant en forme de seringue pour son « Revitalift Filler ». Mais à cette tendance de fond qui vise à rapprocher le cosmétique des produits de la parapharmacie, s’oppose un mouvement de retour au naturel qui semble tout aussi pérenne. Le champ sémantique de la nature se retrouve ainsi dans beaucoup de noms de marques comme le « Deep Blue Herbal Cleanser » de Kiehl’s ou le « Traitement à la rose de Damas pour le visage » d’Aesop. Ce retour à la simplicité opéré par des marques comme Aesop ou Kiehl’s s’accompagne d’un refus des noms compliqués ou fabriqués sur les produits desquels pèse un soupçon d’inauthenticité. Le nom se dépouille ainsi et s’efface pour laisser la place au produit.

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Le monde des cosmétiques fait également un usage spécifique de langue puisqu’on retrouve rarement ailleurs une telle surdétermination du langage : un mot peut être identifié à une marque à tel point qu’aucune autre ne songerait à l’utiliser. C’est le cas par exemple du terme « advanced » qui est très fortement associé à Estée Lauder depuis que le sérum Advanced Night Repair est devenu un produit emblématique de la marque. Le choix d’une terminologie unique permet une reconnaissance immédiate mais également un élargissement du marché visé. Ainsi la marque canadienne M.A.C. choisit-elle un vocabulaire qui s’adresse en premier lieu aux professionnels de l’industrie cosmétique grâce à des noms tels que « Anticernes Pro Longwear » ou « Correcteur Studio Finish ». Inversement, Benefit a fait du registre comique la marque de fabrique de ses noms comme l’illustre le mascara « They’re real » qui joue sur l’équivocité entre la poitrine visiblement refaite du mannequin choisi pour être l’image du produit et la longueur qui semble presque artificielle des cils.

Si la parfumerie choisit des noms qui renvoient à l’atemporalité, qui sont dans l’air du temps sans revendiquer pour autant cette contemporanéité, les noms des cosmétiques reflètent, quant à eux, en temps réel les changements que connaît la société. Par exemple, le phénomène mondial des selfies s’est retrouvé dans la conception des produits sous la forme d’une exigence d’un teint « camera ready ». Dans les noms, cette nouvelle tendance est explicite puisque la mention « High Definition », qui était cantonnée aux noms de produits technologiques, se retrouve dans beaucoup de noms de fond de teint comme le « Ultra HD » de Make Up Forever ou le « Photo Finish » de Smashbox. De même, la préoccupation des conséquences de la pollution trouve sa place dans la terminologie des produits de beauté. Les termes « detox » et « cocon » confèrent aux produits qu’ils nomment  une dimension rassurante comme le « Nail Detox » de L’Oréal ou encore l’ « Eye Detox » de Talika. La mondialisation croissante est également reflétée par les noms de cosmétiques qui sont de plus en plus formés par le croisement des langues. Ainsi l’usage de mots français et anglais au sein d’un même nom constitue une nouvelle tendance comme en témoigne les produits tels que la « Parure Gold » et l’ « Abeille Royale Gold Eyetech » de Guerlain.

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Si le langage des cosmétiques apparaît comme très riche et très varié, il semble pourtant à court de mots pour désigner les produits développés pour le marché ethnique. Les euphémismes restent de mise pour l’heure puisque l’on parle de « peaux orientales » ou de « cheveux méditerranéens ». Il reste encore à trouver un vrai langage adapté à ce marché et des noms pertinents.

 

Par Laure Barillas, consultante chez Nomen.

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