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NAMING : Les marques dans le théâtre

par Alexis de La Morinerie | le 14 novembre 2022

            Bien que la créativité du secteur du théâtre se retrouve avant tout sur scène, les institutions théâtrales ne délaissent pas leurs marques pour autant. Si certaines n’évoluent pas et capitalisent sur leur image existante, d’autres se renouvellent – à la marge ou plus en profondeur – notamment par souci de modernité. Ce secteur si particulier a-t-il intérêt à faire preuve d’originalité dans son naming ? Quels furent les choix forts des marques ces dernières années ? Et plus généralement, comment se faire un nom (de marque) dans le théâtre ? Tour d’horizon du monde de la scène.

Un naming historiquement simple

Théâtre des Champs-Elysées, Théâtre de la porte Saint Martin, Théâtre Montparnasse, les noms de marque des théâtres sont originellement très descriptifs. Jusqu’à la fin du XXe siècle, le naming des lieux théâtraux se limite à préciser le lieu de la scène. Cela permet au spectateur de s’y retrouver dans la foule de théâtres parisiens mais les marques font également ce choix pour capitaliser sur les lieux dans lesquels elles s’inscrivent : les Champs-Elysées sont surement une des avenues les plus connues du monde, tout comme la ville de Paris, choisie pour son nom par le théâtre…de Paris, une des plus anciennes institutions de la ville.

Quand tout est pris, il faut jouer d’inventivité

Mais si ces grandes institutions ont la chance de pouvoir profiter de l’univers d’évocation de ces lieux, les nouveaux établissements choisissant de s’implanter dans le même secteur n’ont d’autres choix que de faire preuve de créativité. Le théâtre de la Renaissance a par exemple été construit à la porte Saint Martin mais ce nom était déjà pris par le théâtre éponyme. Anténor Joly choisit donc le terme de Renaissance dans l’idée d’y faire revivre les pièces antiques et de rompre avec le théâtre médiéval. Naming engageant !

Autre possibilité, prendre le nom du fondateur de l’établissement, ce que le public fait d’ailleurs parfois naturellement, sans utiliser le nom préalablement choisi… La hantise des créatifs ! Nous pensons par exemple au Bobino, célèbre music-hall dont le nom était originellement Théâtre du Luxembourg mais qui finira par prendre le pseudonyme de l’amuseur éponyme. Dernier tour de passe-passe pour le naming, s’inspirer d’institutions étrangères : la Scala Paris reprend par exemple le nom de la célèbre Scala de Milan (elle-même reprenant celui de l’Eglise Santa Maria della Scala, bâtie sur l’initiative et en hommage à la reine della Scala). Ou comment un nom peut vivre et perdurer au-delà de son champ d’origine pendant des siècles.

Parfois, le naming ose une touche abstraite et métaphorique comme avec Points Communs, nom créé par Nomen pour la Nouvelle scène nationale Cergy-Pontoise/Val d’Oise. Ainsi, le nom évoque à la fois la convergence et la cohérence de la programmation mais aussi et surtout il se veut gage d’ouverture et d’accessibilité : la culture sous toutes ses formes doit être un point commun des habitants de la ville (et d’ailleurs).

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Le théâtre ne se limite pas qu’aux théâtres

Ainsi, la créativité s’égaye naturellement à mesure que les noms sont de moins en moins disponibles et le théâtre n’échappe pas à cette règle d’or. Néanmoins, ce n’est pas le seul moteur de créativité : le secteur théâtral est peu à peu devenu une industrie (au sens factuel du terme). Le modèle économique s’est précisé et des acteurs de plus en plus spécialisés sont apparus : sociétés de production, de distribution etc… Sociétés auxquelles il a fallu trouver des noms ! Et avantage du secteur, la liberté de création y est importante et surtout valorisée. Exemple parmi tant d’autres, la société de production Ki m’aime me suive retravaille la célèbre phrase du roi Philippe VI de Valois de manière originale. Ceci dit, des acteurs au nom plus sobres réussissent parfaitement à s’imposer, JMD Production par exemple (initiales du producteur Jean-Marc Dumontet).

D’ailleurs, prendre les initiales du fondateur, parfois avec un léger retravail comme l’a fait Fimalac (pour société financière Marc de Lacharrière) est un procédé beaucoup utilisé pour le naming des marques du théâtre. Parfois, c’est même directement le patronyme du fondateur qui sert de marque : société de production Pascal Legros par exemple pour ne citer qu’un grand nom. Il faut effectivement noter que comme dans beaucoup de secteurs artistiques, la renommée compte beaucoup et les marques ont donc tout intérêt à capitaliser dessus. Ainsi, la créativité n’est pas indispensable au naming des marques théâtrales. Disons seulement que c’est un facteur encore plus différenciant que dans les autres secteurs.  

Toutefois, choisir un naming local peut rester différenciant quand le lieu l’est. Ainsi, les Nuits de Fourvière, festival culturel pluridisciplinaire se déroulant chaque été à Lyon est un exemple intéressant à étudier. Il a emprunté son nom au quartier de Fourvière dans lequel il se déroule. Mais à l’ancrage local, le naming ajoute une dimension festive et une ambiance nocturne permettant de mieux affirmer son identité et sa différenciation.


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Le cas de la Comédie Française :

Née de la fusion, en 1680, de la troupe de l’Hôtel de Bourgogne et des comédiens de Molière, la Comédie Française est d’abord prescrite par Louis XIV dans l’optique d’encourager le rayonnement international artistique et intellectuel français. Théâtre National, il se doit encore aujourd’hui d’assurer la distribution des pièces du répertoire classique français. Ainsi, dans cette démarche, l’appellation nationale trouve toute sa cohérence.

La Comédie Française porte également le surnom de « Maison Molière » affirmant davantage son ancrage historique à travers l’association à la personnalité du génie littéraire. La notion de « Maison » traduit bien le lien tout particulier unissant les comédiens sociétaires à l’institution, tout comme elle clame un certain élitisme. Dans le même registre, le théâtre de l’Odéon devient en 1990, Théâtre de l’Europe, avec pour mission de « transmettre le patrimoine dramatique de l’Europe ».


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Et à l’étranger ?

Le théâtre est une fierté française mais ne soyons pas chauvins et regardons ce qu’il se passe pour le naming des marques théâtrales à l’étranger. Tout d’abord, certains acteurs sont internationaux et nécessitent donc un nom … international, aussi bien dans la prononciation que dans les univers de référence évoqués. La société de production théâtrale Stage Entertainment le fait de manière très simple en associant les mots « scène » (stage en anglais) et entertainment (pour le divertissement).

En ce qui concerne les théâtres mêmes, on remarque en Angleterre une similitude dans la volonté de se servir de lieux ou de personnalités célèbres pour les associer à la marque, à la seule différence que cette tradition perdurera plus longtemps : le Shakespeare Globe, ouvert en 1997, rend hommage au célèbre dramaturge qui avait écrit certaines de ses pièces pour le lieu original. Celui-ci était d’ailleurs dénommé Globe theatre en référence à la notion de Theatro mundi qui sera reprise dans l’épigraphe apposée au théâtre et qui disait : « Totus mundus agit histrionem » (« Le monde entier est un théâtre »). Naming technique mais clair.

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Conclusion

Il faudrait un livre entier pour disserter sur les différences culturelles entre le théâtre français et anglais, et ce n’est pas l’objet de cet article qui vise plutôt à montrer que les mêmes schémas de naming se retrouvent dans différents pays. La marque Festival d’Avignon va même en faire les frais puisque ses détracteurs s’inspireront de Broadway pour créer le « Off-Festival », en parallèle du désormais nommé publiquement « In-Festival ». Dans les années 50, des acteurs, producteurs et metteurs en scène américains souhaitaient en effet s’affranchir de Broadway et son orientation parfois jugée trop commerciale. Ils ont donc créé un « Off-Broadway », qui parviendra à s’imposer comme légitime alternative. Réplique à Avignon dans les années 2010. Ainsi, une pluralité d’évocations, de mécanismes et d’idées sont à l’œuvre dans le naming des marques théâtrales mais la liberté et la créativité propres aux milieux artistiques se retrouvent dans beaucoup de leurs noms, ce dont tous les secteurs pourraient s’inspirer. Envie de relever le défi ?

L’agence Nomen propose depuis 1981 d’accompagner les entreprises et organisations installées ou naissantes dans leur processus de création de marques.

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